La transe urbaine, (Contredanse, été 1995) Note d’atelier
Rien, absolument, n’est délimitable ici. Nous sommes l’Amérique du Nord. Ni l’espace ni le temps n’y sont fixés immuablement.
Nous vivons constamment un va-et-vient entre la Nature et la Culture urbaine ; la bourgade construite en sept jours de planches de bois et la Presque-Ville, celle qui humerait encore le bourg mais se prétendrait déjà métropole.
L’urbain est un passage : les gens y sont littéralement attirés, happés, convoqués, convoyés dans des entonnoirs de rues, des décors de cinéma.
L’horizon y est bouché et l’espace dirigé : c’est le lieu où l’humain vient à s’isoler du Naturel tout en étant, paradoxalement, pris et épris de LUI.
Ainsi ce sont toujours des poteaux de bois – d’anciens arbres donc – qui aujourd’hui,
acheminent nos messages touch-tone vers la dite autoroute électronique. Il suffit de regarder en l’air pour savoir que la structure inconsciente de la ville tend à se construire verticalement, comme en forêt.
Les lieux urbains des personnages de mon livre (Contredanse) sont parfaitement imaginaires. D’où l’absence de repères topographiques et toponymiques.
La ville-limite est une vue de l’esprit : centre-ville, banlieue, campagne sont des nominations surannées qui parviennent mal à définir les juxtapositions étonnantes à l’œuvre entre Nature et Culture, entre l’atavique et symbolique. Essayer de compartimenter et le sentiment s’évanouit.
Aussi le piéton doit réapprendre à poser tour à tour son regard à terre et au ciel, parce que les lieux urbains se jouent de lui constamment.
Toujours imprévisibles, ils l’écartèlent entre le Sacré et le quotidien.
Serge Allaire, commissaire de l’exposition rétrospective Boarding-Pass, Maison de la culture Côte-des-Neiges, septembre 2011
« Et alors Moi pouvoir (enfin) hisser mes propres couleurs. »
Serge Emmanuel Jongué, Cahier de notes
Métis est une installation composée de quatre séries réalisées entre 1990 et 1996. Il s’agit de Tryptiques (1990-1996), Lieux-dits (1990-1995), Objets de mémoire #1 (1994-1995) et Totems urbains (1994-1995).
Ces projets ont été regroupés lors d’une première exposition présentée à la Galerie d’art de l’Université Bishop’s (Lennoxville, 1999).
Pour la rétrospective, j’ai pris le parti de respecter intégralement le plan d’installation retrouvé dans les notes et cahiers de Jongué.
À l’exception d’Objets de mémoire #1 conçu de manière autonome, ces projets s’inscrivent dans un projet plus vaste sous le titre de Contredanse où Jongué projetait d’écrire un roman photographique polyphonique à l’intérieur duquel il donnerait la voix à plusieurs personnages féminins. Contredanse, écrit Jongué, est « Un roman habité part sept filles : Ireland. Oui, mais voilà : Lafayette, Dream, Brooklin, Miami, Rain et Surrender. Ainsi que par leurs géniteurs : Mr B et Mom ».
De ce projet de Contredanse resté inachevé naîtront les séries Tryptiques, Lieux-dits et Totems urbains.
Les personnages de Contredanse s’incarneront, exprimeront leurs voix dans la série des Triptyques et des Totems urbains, et leur territoire figuré dans la série des photographies couleur Lieux-dits.