Serge Emmanuel Jongué (Note d’atelier), janvier 1998
II y a toujours un goût détestable, un mauvais goût, à parler de ses propres images. Un peu comme si elles ne pouvaient se débrouiller toutes seules, comme des grandes, et qu’il faille, à toute force de paternalisme, dire leurs gestes.
II y a aussi cette force parallèle qui veut, elle, s’emparer des choses et les nommer avant les autres. Et ceci s’appelle paternité.
Objets de mémoire a été travaillé par le temps. Rien n’aurait pu exister sans lui, sa puissance de sédimentation. Il a fallu soit attendre patiemment, soit oublier les membranes d’avocat, clous de girofles, photos, notes écrites sur les murs et autres noyaux de mangue, pour que la poussière s’installe enfin, que les dits objets commencent à converser entre eux, que l’araignée vienne y mettre sa toile, bref que le tic-tac de 1’essentiel fasse son œuvre.
Ne pas déranger les objets et ils finissent par vous accorder une entrevue. Brève. II s’agit alors d’explorer à toute vitesse leur monde livré. Quelques minutes de grâce, une transe durant laquelle les coulisses de vos sentiments apparaissent.
Ainsi les objets vous renvoient, en effet de miroir, les sentiments à leur plus fort, un espace animiste, un paysage mental où se mêlent souvenirs contemporains (la famille émiettée, l’amante perdue) et mythiques, le grand et lancinant voyage de l’esclavage).
Les installations fugaces d’Objets de mémoire sont le raccord, les objets transitoires par lesquels la tension intime s’inscrit dans le registre silencieux de l’Immémorial: le Temps, la Colère, l’Amour, la Nostalgie, la Mort.